Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Dans les solitudes glacées des lendemains de fête, ce poème offre une image d'autant plus effroyable et désespérée de l'amour que le couple n'éprouve plus rien. Le néant de la passion, voilà qui touche davantage que le cri de la détresse, de l'abandon. L'amour devient une chimère. Verlaine exploite ici la veine macabre de la poésie symboliste et rappelle Baudelaire.